Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
BALAOO

levait en le saluant, de manière si aisée, si tranquille, de tenue si parisienne dans sa simplicité et, dans sa mise, d’un goût modeste et sûr, c’était la sœur des Vautrin qu’il avait connue courant comme une biche sauvage dans les sentiers de la forêt, sa tignasse au vent, des mèches folles sur les yeux ! Par quel miracle, aujourd’hui, la voyait-il si transformée ?

Il ne savait s’il devait lui tendre la main. C’est elle qui lui offrit la sienne, très simplement, en lui demandant des nouvelles de sa santé.

Mais il n’eut pas le temps de s’extasier davantage ; l’oncle Coriolis faisait son entrée, suivi d’un jeune gentleman de haute et forte apparence qui bombait la poitrine et des épaules solides dans une jaquette impeccable. Le fiancé de Madeleine connaissait cette figure simiesque aux yeux bridés dont le type extrême-oriental étonne toujours quand il est corrigé par les modes d’Europe : par exemple, par l’aplatissement parfait du cheveu lisse divisé par la raie droite ; et par le port du monocle. Oui, M. Noël portait monocle ! Patrice, qui ne l’avait jamais examiné de si près, le jugea à son avantage. La correction de sa tenue et toute son attitude glacée lui donnait presque grand air. La laideur particulière du visage attirait plutôt la curiosité qu’elle ne la repoussait : Patrice regretta seulement pour cet exotique la trop forte bâtisse de la mâchoire animale[1].

  1. Malgré cette dernière particularité, il était encore très naturel que Patrice, qui avait entendu parler M. Noël, n’eût même point le soupçon qu’il se trouvait en face d’un de la race singe. M. L. Jacolliot, dans son livre : Au pays des singes, p. 229, nous parle d’un singe qu’il avait vu traiter comme une véritable personne humaine. Voici ce qu’il en dit : « Au lieu de se développer en museau, le bas de son visage s’aplatissait à donner l’illusion de la face humaine. Son front large