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BALAOO

Et ils tournèrent la tête du côté de la grille, à travers les barreaux de laquelle on apercevait la lisière des Bois-Noirs. Aussitôt, ils virent, contre les barreaux, une figure extraordinairement blonde, couverte de taches de rousseur, dans laquelle s’ouvraient deux yeux d’or d’albinos. Cette figure, immobile, les observait sans remuer, avec une obstination indécente, Le jeune homme, outré, avait fait déjà un mouvement vers la grille, quand la voix de l’albinos le cloua sur place : « monsieur Patrice ! »

Ces mots, qui lui ordonnaient de ne pas bouger, la façon dont fut prononcé son nom « Patrice », sonnèrent si formidablement aux oreilles du jeune homme qu’il s’arrêta, le cœur battant, le sang aux tempes. Madeleine lui avait pris la main et ne pas plus que lui, observant l’albinos.

Celui-ci, tranquillement, allongea, entre les barreaux de la grille, le canon de son fusil et tira dans leur direction. Les jeunes gens poussèrent un cri horrible…

Un merle tomba à leurs pieds.

— Eh bien ! qu’est-ce que vous avez ? demanda avec une grande sérénité le chasseur. Vous n’êtes pas blessés ?…

— Non ! Mais on n’a pas idée de tirer comme ça sous le nez des gens ! fit Madeleine en colère…

— Eh ! je n’ai jamais manqué mon coup… de quoi avez-vous peur ?…

Patrice, encore tout frissonnant, s’était baissé pour ramasser l’oiseau.

— La pauvre bête ! murmura-t-il.

— Je l’offre aux amoureux pour leur déjeuner… ; adieu, mademoiselle Madeleine ; adieu, monsieur Patrice.

Et comme Patrice voulait lui jeter l’oiseau à travers