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BALAOO

la grille, la jeune fille l’arrêta prudemment dans son geste brutal :

— Adieu, monsieur Élie, et merci ! fit-elle d’une voix sourde.

L’albinos avait déjà disparu derrière le mur. Patrice allait parler. Mais Madeleine lui mit sa petite main sur la bouche. Cette main tremblait affreusement. Elle l’ôta seulement quand on n’entendit plus le bruit des pas de l’autre sur les cailloux de la sente…

— Oh ! fit-elle, qu’il m’a fait peur avec son fusil !…

— Et avec sa phrase !… souffla Patrice…

— C’est que je vois encore le fusil passer au travers des barreaux, dit Madeleine… tu sais, mon chéri, s’il avait tiré sur nous, c’est moi qu’il frappait la première… je m’étais mise devant toi…

C’était vrai. Patrice ne s’était pas rendu compte de ce mouvement héroïque, tout d’abord. Il prit Madeleine dans ses bras. Quelqu’un toussa derrière eux. C’était Noël que Coriolis envoyait au-devant des jeunes gens :

— Le maître appelle, dit-il, de sa voix toujours un peu enrouée…

Et il s’en retourna, les mains dans les poches et l’échine triste. Ils le suivirent du côté du verger.

— Quelle existence est la tienne ! reprit Patrice, entre ton père monomane, la vieille Gertrude stupide, et ce garçon que je n’ai jamais vu rire (il montrait la silhouette penchée de Noël). Ils ne sont pas gais, les naturels d’Haï-Nan, et ce n’est pas la culture de la plante à pain qui semble devoir les réjouir…

— Tu ne connais pas Noël, fit Madeleine… Quand il veut, il n’y a pas de plus gai compagnon que lui. Demande