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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/156

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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

sait : « Il ne peut donc s’agir du bancal qui était déjà entre les mains du garde et de son fils, depuis plus d’une heure », et, pensant ainsi, Fanny nécessairement pensait juste.

« Donc, je vis André, continuait Mme Saint-Firmin. Je ne fus pas autrement étonnée, bien qu’il ne fût pas dans ses habitudes de venir me voir si tôt, mais, l’ayant vainement attendu la nuit précédente, mon âme l’appelait avec une telle ferveur et une telle impatience que j’avais bien pensé qu’il n’aurait pas le courage de me résister plus longtemps.

« C’est ce que je lui dis, du reste, immédiatement :

« — André, je t’attendais, pourquoi n’es-tu pas venu la nuit dernière ? Où étais-tu ? Pourquoi n’es-tu pas toujours avec moi ? Tu vois bien que ce m’est un supplice de vivre sans toi ? Que fais-tu lorsque tu es loin de moi ?

« Alors, l’image, car dans la buée, il m’apparaissait telle une image transparente et si légère que je redoutais à chaque instant de la voir se dissiper comme la vapeur qui nous entourait, alors l’image me dit : « Marthe, il faut veiller sur les enfants ! »

« Et sa voix, en disant cela, était d’une tristesse infinie et me glaça le cœur, et, de cette minute, je commençai à appréhender qu’un malheur les menaçât.

« — Mon Dieu ! m’écriai-je, il ne leur est rien arrivé ?

« André me répondit simplement :

« — Viens !… car un mort ne peut pas