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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

en se retournant du côté de Fanny. Qu’est-ce que cet enfant a mangé, hier soir ?…

— Oh ! monsieur, ze n’est bas se gu’il a a manché qui l’a vait rêfé !… moi che sais pien ce qui l’a vait rêfé !… Tenez, foilà ce qui l’a vait rêfé !… »

Et Lydia, que rien ni personne ne pouvait plus faire taire, se tournait dans le même instant vers Mlle  Hélier, qui venait d’entrer.

La vieille sèche demoiselle, qui était accourue la dernière parce qu’elle avait mis quelques minutes à recouvrir sa toilette de nuit d’un vêtement décent, reçut en pleine figure impassible toute une avalanche de reproches mi-français, mi-allemands, où il était question tout à la fois de fantômes, de tables tournantes, d’apparitions et d’esprits.

En écoutant la fraülein, Fanny reprenait ses esprits et Jacques revenait à la vie. Il ressortait de tout ce charabia que l’institutrice avait, ces temps derniers, mêlé les enfants à ses exercices bizarres et qu’elle les avait fait asseoir à son guéridon d’acajou, dans l’espérance que l’esprit de leur père voudrait bien leur répondre. Elle leur avait dit « qu’il avait déjà parlé » dans la table à une autre personne, et que puisqu’ils étaient bien sages et qu’ils aimaient bien leur papa, celui-ci ne manquerait pas de venir s’entretenir avec eux. Germaine et François n’avaient pas d’abord voulu croire que leur papa fût mort, mais la vieille avait répondu que c’était lui-même qui avait déclaré « dans la table » qu’il avait été assassiné ! Enfin, toute une histoire épouvantable qui