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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

pays !… Il ne quitte pas le château !… ou bien, il est chez Marthe !… ou auprès des enfants !… Mais nous, nous ne le voyons pas !… Pour le voir, il faut avoir les yeux purs de Marthe ou les yeux purs des enfants, car les enfants l’ont vu, le petit François disait vrai : il a vraiment vu son papa, et c’est vraiment son papa qui l’a sauvé de l’asphyxie, et Marthe disait vrai !… Et ceux-là seuls voient, et nous, nous ne voyons pas !… Nous avons de pauvres yeux qui ne voient rien du tout !… Heureusement !… Heureusement !… Je veux bien qu’il soit là autour de nous !… qu’il veille sur ses enfants, comme c’est son droit, certes !… Mais qu’il ne m’apparaisse plus… non !… non !… ou alors qu’il cache sa blessure !… Écoute bien ce que je vais te dire, pour te faire connaître ces choses dont nous avons eu tort de rire, du temps de ma vie criminelle : un mort peut encore apparaître à un vivant, même si ce vivant ne l’a pas mérité, quand ce vivant va mourir !… C’est ainsi que je l’ai vu, moi, avant de mourir ! juste !… juste le temps qu’il lui a fallu pour prendre mon revolver dans le tiroir, devant moi, et pour me tuer !… Il m’a tué parce qu’il a cru que j’allais faire du mal à ses enfants ! Ah ! je te dis comme c’est arrivé ! En même temps que j’ai aperçu sa figure menaçante à la tempe saignante, j’ai entendu le coup et je suis tombé foudroyé !… Mort !… »

Fanny n’essayait même plus de retenir la divagation de Jacques, ou ce qu’elle croyait être fermement une divagation.