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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

semblait qu’elle ne pourrait plus jamais se passer d’hommages.

Dans le grand salon, sur le parquet en marqueterie, datant de Tavannes, elle promenait sa royauté de l’un à l’autre de ses hôtes, distribuant ses grâces avec équité. Le fameux terrain de golf avait valu aux Munda de la Bossière les fréquentations les plus flatteuses et nous ne sommes plus, du reste, à une époque où la fortune du manchon Héron eût pu être un obstacle aux triomphes mondains de la noblesse.

Les invités ne demandaient même plus si l’on avait des nouvelles d’André. Cela eût paru indécent. Jacques et sa femme étaient considérés comme les véritables maîtres de la Roseraie.

Tout à coup, Fanny ne prêta plus aucune attention aux histoires de jeu ou aux potins qu’on lui rapportait des derniers thés-tango. Les Saint-Firmin venaient d’entrer.

Elle ne reconnaissait plus Marthe. Elle ne l’avait pas vue depuis cinq ans. La jeune femme du notaire de Juvisy n’était plus que l’ombre d’elle-même. Sa pâleur était devenue quasi-diaphane. On eût dit une blanche image de missel prête à s’envoler. La simple robe de tulle blanc dont elle était revêtue accentuait encore cette allure d’ange.

Fanny ne reconnut point non plus la voix de Marthe, quand celle-ci lui dit : « Je suis si contente de vous revoir… » La voix aussi s’était effacée…