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M. ET Mme SAINT-FIRMIN
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« Demandez-lui donc pourquoi elle n’est pas alors venue plus tôt ! » grinça la crécelle du vieux Saint-Firmin qui suivait.

Le notaire, lui, n’avait pas changé.

C’était toujours le petit vieux à barbiche, sec et sarcastique, jamais tranquille sur ses jambes, toujours sautillant et ricanant, trouvant la vie drôle, amusante, même dans ses pires horreurs, dans ses plus lamentables drames intimes, qu’il connaissait par métier et dont il jouissait en dilettante.

On le disait fort riche, spéculateur heureux avec les fonds de ses clients, rendant des services d’argent qui coûtaient cher ; et malgré cela il vivait en ladre, entre son étude de Juvisy et sa petite maison au bord de l’eau, où il tenait enfermée cette jeunesse.

Comment Marthe avait-elle pu consentir à épouser cette façon de méchant diable, toujours vêtu de noir et qui avait un rire si désagréable ? Le Dr Moutier, un commensal de la Roseraie, prétendait qu’il l’avait hypnotisée.

À quoi les hôtes de la Roseraie répondaient que le Dr Moutier, qui était de l’école de Nancy, voyait de l’hypnotisme partout. Sa célébrité avait commencé au procès Eyraud, où il avait « déposé » en concluant à l’innocence ou tout au moins à l’irresponsabilité de Gabrielle Bompard, suggestionnée par le criminel.

« Vous devriez bien l’endormir, et lui suggérer d’engraisser », lui dit-on, ce soir-là, en lui montrant la pauvre petite Mme Saint-Firmin.