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Page:Leroux - L’Homme qui revient de loin.djvu/39

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M. ET Mme SAINT-FIRMIN
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trer sans bruit, habillée d’un simple fourreau de soie noire. Elle se glissait modestement dans un coin du salon.

« Eh bien ! mademoiselle Hélier, s’écria-t-il, de son timbre le plus aigu, comment va Napoléon Ier ?… »

Mlle Hélier, l’institutrice des enfants, rougit jusqu’aux yeux, car tout le monde s’était mis à rire et elle n’aimait point que l’on raillât le culte qu’elle avait pour les esprits de nos grands morts, avec lesquels elle entretenait des relations suivies par le truchement des tables tournantes et frappantes.

À part cette innocente manie, c’était un très noble personnage que cette vieille demoiselle, aux vertus et à la science de laquelle Fanny aimait à rendre publiquement hommage.

À table, Mlle Hélier se trouva à côté de Saint-Firmin et elle le gronda sévèrement ; mais le sarcastique notaire n’empocha point la mercuriale sans tenter de mettre encore les rieurs de son côté. Il éleva la voix pour charger sa voisine de présenter ses excuses à M. de Buonaparte, affirmant qu’il n’avait point voulu offenser personne de l’autre monde et expliquant qu’il était bien trop prudent pour cela, n’ignorant point que les fantômes, surtout les fantômes des grands hommes, sont très vindicatifs et peu enclins à la plaisanterie.

La pauvre Mlle Hélier ne savait quelle contenance tenir ; elle était froissée, au delà de tout, par les plaisanteries vulgaires de ce méchant homme, qui ne croyait à rien, et essayait de la faire passer pour une sotte.