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LA DERNIÈRE POIGNÉE DE MAIN DE CARTOUCHE

» La courtisane Émilie ne veut plus le voir… Un os de Cartouche, qui en fut aimé, entre sa peau et sa chemise, pourrait, le diable s’en mêlant, la ramener dans son lit… Je sais cela… Mon regard a lu cela dans le cœur de l’homme qui descend les marches du charnier. Il vient là pour me prendre mes os !… Il allume une lanterne. Il va droit à mon cadavre. Il ne voit donc pas que les yeux de mon cadavre remuent !… Il tire de sous son manteau une lame d’acier aiguë et toute rouge dans le rayon de la lanterne… Il dépose sa lanterne… Il me prend par les épaules et me dresse à demi contre la muraille, au-dessous du trou. Il me prend la main gauche avec sa main gauche, et de la main droite m’enfonce la lame d’acier dans le poignet. Je ne sens pas la lame dans mon poignet, mais je la vois. Elle tourne autour de mon poignet… Elle va le trancher ; déjà elle le détache. Mais je commence à sentir la lame ! La vie renaît dans mon poignet ! Ah ! si mon poignet !… Ah ! si mon poignet !… Un dernier coup de sa lame et ma main

    nuire. Avec l’accompagnement de quelques prières, sacrements, invocations et formules magiques, un stylet était enfoncé dans cette figure, et la personne à laquelle elle ressemblait pouvait en mourir. Depuis le douzième siècle, les monuments historiques offrent des exemples assez nombreux de cette pratique. L’envoûtement ne consistait point seulement à tuer, mais à détourner l’esprit de la personne visée dans le sens désiré par l’envoûteur. Au cours du procès qui suivit l’assassinat du duc d’Orléans, dans lequel fut si fort compromis le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, celui-ci fit déposer que le duc d’Orléans se livrait à ces pratiques. En 1407, est-il écrit dans ce procès, un moine, à l’instigation du duc d’Orléans, alla, après avoir fait invocation au diable, dépendre un homme tout frais à Montfaucon, lui mit l’anneau du duc à la bouche, lui fendit le ventre, lui arracha l’os de l’épaule, lequel fut remis au duc d’Orléans qui porta cet os de pendu entre sa peau et sa chemise. Grâce à l’anneau et à l’os, le duc d’Orléans savait fasciner et faire condescendre toutes les femmes à ses désirs. (Extrait de la justification de Jean sans Peur de l’assassinat du duc d’Orléans.)