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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

— Je m’enferme tous les jours ainsi avec un veau vivant, dit M. Houdry, et quand les portes de l’abattoir se rouvrent, le veau est mort. Je ne perds pas mon temps. J’ai opéré en vingt-cinq minutes.

Théophraste le félicita. Il lui demanda quelques explications, s’intéressa à tous les objets qui frappèrent son regard. Le soufflet avec ses grands bras attira son attention. Il demanda comment cet instrument s’appelait, et on lui répondit que c’était un soufflet. Il vit aussi le treuil. Il apprit que cette forte barre de chêne munie de chevilles qui était suspendue au treuil s’appelait « tinet ». Il admira la solidité de ce brancard, également de chêne, qui a nom « étout ». Une hachette qui traînait fut appelée « feuille ». Mais ce qui l’intéressa davantage, ce fut, suspendue, au mur, la « boutique ». Dans cette boutique, qui était une sorte de sacoche pour coutelas, il vit d’abord le « saigneur » et se complut à passer tout doucement son index sur la lame longue, forte et affilée. Et puis ce fut le couteau, plus petit, dénommé « moutonnier », occupé d’ordinaire à dépecer le mouton, comme son nom l’indique, mais qui servait là pour certaines parties du veau. Puis, d’autres petites lames, dont la « lancette », pour « fleurer » le veau. « Fleurer » le veau consiste à faire de légers dessins artistiques, du bout de la lame, sur la peau du veau, une fois qu’il est « blanchi ».

Ce jour-là, comme je vous le dis, l’instruction de M. Théophraste Longuet porta sur les outils. Mais il fut dans la nécessité soudaine d’interrompre cette leçon, à cause de ses oreilles qui, une fois de plus, n’entendaient plus. Cette petite infirmité passagère était bien désagréable. Mais les jours suivants, ayant recouvré toute sa faculté auditive, il assista à toute l’opération, dans les détails de laquelle il entra sans trop de répugnance.