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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

la Conciergerie qui n’a guère changé depuis des siècles, quand nous glissâmes entre ces pierres nues que n’ont recouvertes aucun enduit nouveau, aucun plâtre profane, une fièvre inexplicable s’empara de mes sens, et quand nous fûmes dans le noir du bout de l’allée des Pailleux, je criai : « Parbleu ! c’est l’allée des Pailleux ! »

» Aussitôt, je me retournai, pour savoir qui avait crié cela. Mais ils me regardaient tous et je vis bien que c’était moi qui avais crié cela. J’en avais la gorge encore toute frémissante.

» Cet imbécile de gardien prétendait que nous avions dépassé l’allée des Pailleux. Je lui dis son fait et il ne répliqua pas. J’en étais sûr, vous entendez bien, j’en étais sûr que c’était l’allée des Pailleux. Pourquoi en étais-je sûr ? Je lui répondis que j’y avais couché sur la paille, mais c’est absurde. Comment voulez-vous que j’aie couché sur la paille dans l’allée des Pailleux, puisque c’est la première fois que je vais à la Conciergerie ? Alors, en étais-je sûr ? Voilà ce qui m’épouvante. J’avais un mal de tête atroce.

» Mon front brûlait, ce pendant que je le sentais balayé par un grand courant d’air froid. Enfin, j’essaie de m’expliquer : j’avais froid au dehors, j’étais une fournaise au dedans.

» Qu’est-ce que nous avons fait ? Je me suis, un moment, promené bien tranquillement dans la chapelle des Girondins, et, ma foi, pendant que le gardien nous expliquait l’histoire, je jouais avec mon ombrelle verte. Je n’avais conservé aucun ennui de m’être montré si bizarre tout à l’heure. J’étais naturel. Mais, du reste, je n’ai jamais cessé d’être naturel.

» Ce qui m’est arrivé par la suite et que je vais vous conter était naturel, puisque cela n’était le résultat