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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/49

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QUI SE TERMINE PAR UNE CHANSON

disons-nous, de franchir ce seuil sans nous être fait annoncer, car on apprend toujours trop tôt l’infortune domestique d’un brave homme.

Il ne faut point pour cela que M. Adolphe Lecamus nous en apparaisse moins sympathique, car nous devons à la vérité de dire que Théophraste avait tout fait pour réaliser cette catastrophe domestique. Mais il ne s’en doutait pas.

Pourquoi cette villa s’appelait-elle « Villa Flots d’Azur » ? Parce que Théophraste l’avait voulu. En vain Adolphe lui avait-il remontré que c’était là un nom pour villa des bords de la mer ; il avait répondu avec une grande logique qu’il était allé souvent au Tréport et qu’il y avait toujours vu la mer verte ; qu’il pêchait le goujon dans la Marne et que, par les beaux ciels d’été, il avait vu la rivière bleue. Ne disait-on pas aussi : « Le beau Danube bleu » ? Du moment que l’océan n’avait pas le monopole des flots bleus, il ne voyait pas pourquoi il se priverait d’appeler sa villa des bords de la Marne « Villa Flots d’Azur ».

Ce jour-là était le jour anniversaire du mariage de Théophraste.

Théophraste embrassa, sur le seuil de la villa, sa femme avec une émotion annuelle. Certes, il l’aimait bien toute l’année, mais, le jour anniversaire de son mariage, il croyait de son devoir d’honnête mari de l’aimer davantage.

Marceline aimait aussi beaucoup Théophraste ; ce n’était point une raison parce qu’elle aimait également beaucoup Adolphe pour que Théophraste eût à en souffrir. Elle n’aurait pas trouvé cela juste ; or, c’était une nature adultère, mais droite.

De son côté, Adolphe adorait Marceline et se serait fait tuer pour Théophraste.