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Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/61

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LA CHANSON

n’étant jamais sortis de leur village, répondre le plus correctement du monde au médium qui les interrogeait, dans une langue morte. Comment expliquer cela qui s’est passé devant des professeurs de nos facultés et non devant des charlatans ? On ne sait encore. Nous sommes toujours sur le seuil du grand mystère ; nous n’avons encore fait qu’en pousser la porte, en tremblant. Les uns expliquent que c’est un Esprit savant qui parle par cette bouche ignorante. D’autres ont émis timidement — et combien comprenons-nous cette timidité — qu’un tel phénomène ne peut s’expliquer que par la réminiscence d’une vie antérieure. Jusqu’à plus ample informé, j’imagine que ce que Théophraste raconte sans savoir, c’est l’Autre qui le sait, celui qui par instants revit en lui. Toutes les phrases, donc, qu’on ne peut comprendre avec Théophraste, on les comprendrait avec l’Autre si l’on savait qui est l’autre.

Je reprends les mémoires de Théophraste, à la suite de la scène de la chanson :

« Je me trouvai sur la table, au milieu des éclats de la vaisselle, cependant que toute la société s’était enfuie. Cette façon brutale que mes convives avaient de prendre congé de ma personne m’avait quelque peu étourdi. Je voulus descendre, mais par un phénomène singulier, j’eus autant de difficulté à me retrouver sur le sol que j’avais montré d’adresse à monter sur la table. Je me mis à genoux et, prenant de grandes précautions pour ne point choir, j’arrivai cependant à mes fins. J’appelai Marceline qui ne me répondit pas et que je retrouvai, toute tremblante d’effroi, dans notre chambre. J’en fermai soigneusement la porte et me disposai à lui donner quelques explications. Ses grands yeux étonnés et pleins de larmes m’en demandaient et je crus qu’il était de mon devoir de mari de ne point lui