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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

celer plus longtemps la grande et surprenante préoccupation de mon esprit. Je l’engageai à se déshabiller et à se mettre au lit. Me voyant tout à fait redevenu calme — et je l’étais en effet — elle ne fit aucune difficulté pour m’obéir. Je la rejoignais bientôt. J’avais laissé la fenêtre de la chambre ouverte. La nuit était idéale et comme j’entendais Adolphe marcher dans le jardin, je lui criai que l’heure du repos avait sonné.

» Bientôt je n’entendis plus dans toute la maison que le bruit du cœur de Marceline.

» — Ma chère femme, lui dis-je, tu dois ne rien comprendre à ce qui m’est arrivé ce soir. Rassure-toi : moi non plus. Mais en unissant nos deux intelligences, nos deux amours, je ne désespère point d’arriver à un résultat appréciable.

» Je lui contai alors tous les détails de ma visite dans les caves de la Conciergerie, ne lui celant quoi que ce fût et lui traçant une image fidèle des sentiments extraordinaires qui m’agitaient et de la force inconnue qui paraissait me commander. Tout d’abord, elle ne dit rien, se contentant de se retirer doucement vers la ruelle, comme si elle avait peur de moi ; mais quand j’en arrivai au document qui révélait l’existence des trésors, elle demanda à le voir tout de suite. Je jugeai par là de l’intérêt qu’elle portait à mon aventure, et je lui en fus aussitôt reconnaissant. Je me levai et lui montrai le papier à la lueur de la lune qui était dans son plein. Comme moi, comme tous ceux qui en avaient déjà eu connaissance, elle reconnut immédiatement mon écriture ; et elle fit le signe de la croix. Avait-elle peur de quelque diablerie ? Marceline n’est point une sotte, mais elle m’expliqua que ce geste avait été « plus fort qu’elle ». Du reste, elle eut tôt fait de se remettre et elle trouva l’occasion de faire l’éloge d’Adolphe qui, malgré mon