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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/157

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LA MACHINE À ASSASSINER
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le chemin de la Touraine, que Jacques connaissait bien… Pour reconstituer cet itinéraire, il perdit encore un certain temps, car la petite voiture à conduite intérieure ne suivait pas toujours la grand’route… Les voies détournées dans lesquelles elle s’était engagée plus d’une fois témoignaient d’une telle astuce de la part du conducteur que Jacques, en d’autres circonstances, eût pu s’en montrer fier. Hélas ! depuis qu’il avait mis son automate au monde, événement qui devait le remplir d’orgueil et de gloire, ce n’est pas trop nous avancer de dire que Jacques Cotentin n’était plus fier de rien !…

Chose extraordinaire, sa taciturnité naturelle ne faisait qu’augmenter au fur et à mesure qu’il avait de nouvelles preuves que Christine ne suivait plus Gabriel comme une prisonnière, mais comme une compagne…

S’il se réjouissait d’un pareil changement, comme nous l’avons présumé, il faut avouer que Jacques Cotentin avait la réjouissance triste !

Il y a des caractères ainsi formés qu’ils se montrent indifférents et d’autant plus moroses qu’ils sont intimement satisfaits.

La surprise de Jacques Cotentin ne fit qu’augmenter quand il constata que nos jeunes gens, en quittant Tours, avaient pris le chemin de Coulteray.

— Ce doit être là une idée de Christine, se dit-il.

Ainsi en était-il arrivé à cette conception que cette singulière « randonnée », après avoir été inspirée — et comment ! — par Gabriel, était maintenant dirigée par la jeune fille elle-même. C’était l’automate qui faisait maintenant tout ce qu’elle voulait !

Et qu’est-ce qu’elle voulait ? Revoir ces lieux dont le souvenir la hantait, où elle avait laissé l’ombre, dangereuse pour son imagination, de la pauvre marquise, fantôme pâle qui sortait de sa tombe à minuit pour faire un petit tour dans les cimetières !…