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Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/158

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GASTON LEROUX

« Eh bien, se dit Jacques après un instant de réflexion qui sembla lui rendre subitement quelque énergie, va pour Coulteray ! Aussi bien, ce sera une raison de revoir cet excellent docteur Moricet, dont je n’ai pas eu de nouvelles depuis quelque temps ! »

Jacques avait loué une petite torpédo qu’il conduisait lui-même. Quand il arriva à Coulteray, il s’en fut tout de suite à l’Hôtellerie de la Grotte aux Fées et demanda le patron.

— Ce bon M. Achard n’est pas encore tout à fait « remis », lui répondit la servante, mais si monsieur veut lui parler, je pourrais l’accompagner jusqu’à la chambre de mon bon maître…

— Il a donc été malade | interrogea le prosecteur, qui se souciait de la santé du « bon maître » comme de sa première pièce anatomique.

— Oh ! oui, monsieur, bien malade !… mais il est raisonnable, allez !… Il fait tout ce que lui ordonne monsieur le docteur… Il suit bien son régime !…

Là-dessus, la servante poussa une porte :

— Voilà un voyageur qui voudrait vous parler, monsieur, à moins que ça ne vous dérange ?…

— Que non pas !… que non pas !… fit entendre le père Achard… quand oh est malade, on n’a jamais trop de compagnie !… Entrez donc, monsieur, et prenez la peine de vous asseoir !…

Jacques fit le tour d’un paravent et aperçut le malade. Il était assis, un bonnet de coton enfoncé jusqu’aux oreilles, en face d’un magnifique feu de bois qui embrasait la haute cheminée. Devant lui, une table, abondamment garnie de victuailles et de fioles où pétillait le joli petit vin d’Anjou, attendait le bon plaisir du convalescent, lequel était fort occupé, pour le moment, à arroser de son jus, par le truchement d’une cuiller à long manche,