Aller au contenu

Page:Leroux - La Machine à assassiner.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
236
GASTON LEROUX

la suite de la scène de l’auberge, la fièvre gagna tout le pays. Quelle journée on passa, et dans quelle attente !…

Vers le soir, le marquis s’était enfermé dans le château avec le curé et le maire qui le consolaient de leur mieux. Mais il était dans un état d’exaltation peu ordinaire… Ce qu’il « sortit » au premier magistrat de la cité sur le crétinisme de ses administrés abasourdit si bien le bonhomme que celui-ci jura qu’il ne se représenterait plus aux prochaines élections. Lui aussi lâcherait ce pays absurde, l’abandonnerait à sa honteuse superstition !…

À ce mot de superstition, le marquis, calmé un peu du côté du maire, se retourna vers le curé. Et celui-ci, à son tour, fut bien servi !…

— S’il y avait moins d’histoires de saints, de miracles, de tombes entr’ouvertes, de résurrections de fantômes et autres niaiseries, tout au long des légendes sacrées, on ne verrait pas tout un peuple dans une contrée de bons vivants où il y a de la terre et du soleil pour tout le monde, accourir pour savoir si une « empouse » était toujours dans sa tombe ou allait en sortir !

Lui, le marquis, ne croyait à rien !… absolument à rien !

Et il le dit au curé, qui se signa et le pria de se taire s’il ne voulait pas être damné !…

Alors Georges-Marie-Vincent éclata d’un rire sardonique :

— Damné ! et par qui ?

— Par le bon Dieu ! répondit le saint homme…

Le marquis vit que, s’il continuait, le curé allait partir et qu’il emmènerait sûrement le maire… Il ne répliqua pas. Il ne voulait pas rester tout seul, non parce qu’il avait peur… il n’avait peur de rien… mais enfin le maire et le curé représentaient encore l’élément intelligent du pays, et si cet élément-là lui faisait défaut, qu’est-ce qu’il lui resterait ? Il fallait penser aussi qu’avec ces