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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/108

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LA POUPÉE SANGLANTE

qu’une fille intelligente comme Christine n’a absolument, absolument rien vu du drame qui se passait sous mon masque ?

Eh bien ! admettons… Mais alors pourquoi grave-t-elle le profil de l’autre devant moi ?…

Niais que tu es !… est-ce qu’elle sait que tu le connais, l’autre ?

Qu’importe !… Un si beau profil devant ta hideur, n’est-ce pas à te faire crier ?…

Eh ! mon bonhomme ! elle attend peut-être que tu cries !

En fin de compte, je constate que je suis bien malade… Je n’ose pas regarder vers la fin de cette maladie-là… Je m’empoisonne avec une joie !… Je sais que la guérison n’est pas possible et je n’en veux pas !… Je retourne à l’air qu’elle respire et qu’elle veut bien partager avec moi comme un intoxiqué court à son stupéfiant… Je suis souvent le premier arrivé et je l’attends !… je l’attends !…

Je ne l’ai pas vue de la journée ; ça, c’est un peu fort !

Je n’ai vu du reste personne !

Oh ! je suis bien décidé, ce soir, à aller monter ma garde à ma petite lucarne !… Si je ne revois pas Gabriel, je la verrai peut-être, elle !… Chose singulière, je n’ai pas vu ce matin, avant de partir, l’horloger derrière sa vitre, ni sortir le prosecteur… ni Christine… On n’a vu sortir personne.

Seulement le soir, vers neuf heures, j’ai vu arriver un personnage nouveau…

Ce qu’il y a de certain, c’est que c’est la première fois que j’aperçois ce drôle de bonhomme, trapu, à cou de taureau, au front bas qui glisse le long des murs comme s’il avait honte de respirer l’air de tout le monde. Il est coiffé d’une casquette ronde sans visière, vêtu d’un costume informe que l’on dirait taillé dans un sac.