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rons avec orgueil comme notre maître, alors que l’on apprend que le gouvernement y apportera un concours éclatant, les partis avancés se ruent, avec rage, sur cette occasion inespérée de l’affaire Tiphaine pour faire échouer la manifestation prodigieuse que nous avons organisée. Déjà, l’ancêtre était à leurs yeux comme la manifestation vivante du principe abhorré de la force et du châtiment… maintenant qu’on leur permet d’écrire que c’est un assassin… que va-t-il advenir de nous ?… Je vous vois, en robe, dans la rue lors de la manifestation… On nous jettera des pommes cuites… Il faut poursuivre !


Scène VII

LES MÊMES, JEAN

Il vient du dehors, dépose son chapeau d’un geste résolu.

Jean. — M. de Faber a raison, mon père : il faut poursuivre… Je reviens du Palais. J’ai rencontré Lambert qui m’a montré l’article infâme. Comme il se rendait chez M. le grand réquisiteur, je lui ai dit qu’il pouvait lui annoncer que nous allions déposer une plainte entre ses mains… Si je ne l’ai déjà fait, c’est que je voulais vous voir auparavant pour vous prier de faire la démarche vous-même…

De Faber. — Votre père hésite…

Jean. — C’est impossible !… Vraiment, mon père, ne connaîtrions-nous plus notre devoir ?

Le Président. — Voilà un bien grand mot, mon fils.

Jean. — Immense… Mais c’est vous qui m’avez appris à le connaître… Comment ne serions-nous pas d’accord pour châtier ceux qui ont osé attaquer l’ancêtre !

Le Président. — Jean, ne crois-tu point que la meilleure façon de prouver que nous ne doutons pas de sa vertu est encore de mépriser de telles attaques, de les ignorer, de les pardonner… On nous met directement en cause, nous, magistrats ! Eh bien, prouvons que nous sommes tellement au-dessus de ces vilenies que, passant notre temps à condamner pour les autres, il nous est doux de pardonner quand il ne s’agit que de nous-mêmes… (Le président fait un signe commandant le silence ; il montre le plafond.)… L’entendez-vous ?