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Béatrice. — Mon pauvre Jean !

Jean. — Ah ! pardonne-moi ! Regarde-moi encore ! Je suis un misérable juge !… Je suis humble… je suis bon ! Quand nous serons tous humbles, nos erreurs ne seront plus des crimes. Je suis bon !… J’aime !… C’est toute la vérité, toute l’idée du monde. Je t’aime !…


Scène V

Les mêmes,, MARIE-LOUIS, PETIT-PIERRE

Marie-Louis arrive poussant devant lui Petit-Pierre. Le président parle bas à Petit-Pierre et l’enfant va se joindre à son père, aux genoux de Béatrice.

Béatrice. — Jean !… Mon enfant !… (Elle les étreint tous les deux, puis apercevant Marie-Louis qui, très ému, se tient en silence à côté du groupe, elle lui serre la main avec effusion.) Marie-Louis !… Jean, relève-toi ! Je savais bien que je ne pourrais te revoir sans te pardonner… et, tu vois, je suis venue !

Jean, se relevant. — Ah ! comment pourrais-je, jamais !

Le Président. — Oui !… tu lui dois beaucoup de bonheur… Tu l’emmèneras loin d’ici !

Béatrice. — Oh oui !… loin d’ici !… mais vous viendrez avec nous, père !

Le Président. — Merci, mon enfant ! Hélas ! Vous ne me traînerez pas longtemps derrière vous !… Il me semble que je suis mort déjà avec l’ancêtre ! Sitôt que tu auras parlé, Jean, j’enverrai ma démission. Il n’y a plus de maison des juges !

Béatrice. — Marie-Louis, aussi, enverra sa démission… nous partirons tous ensemble.

Marie-Louis. — Non, Béatrice, moi je reste ici. Mais vous tous, partez, fuyez cette noire demeure où vous avez tant souffert. Moi, je veux la transformer… Un jour, vous reviendrez et vous ne la reconnaîtrez plus ! Elle ne ressemblera plus à une prison, vous la trouverez toute blanche, aussi blanche que l’autre était sombre, blanche comme une salle d’hôpital où l’air et la lumière entrent librement apportant l’espoir et la vie ! C’est ainsi qu’elle m’est apparue, cette nuit, pendant que nous veillions l’ancêtre. Il me la montrait et il me disait : « Voilà la maison que tu bâtiras sur ma tombe, mon petit Marie-Louis, quand tu