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DU SANG !… DU SANG !…

une chapelle. La piété du général avait réuni là tous les souvenirs qui lui restaient de son frère et de la femme de son frère, la mère d’Ivana. Quels souvenirs ! Le regard, dans cette pénombre trouée des yeux clignotants des petites veilleuses, rencontrait d’abord deux mains coupées, effroyablement entaillées, qui avaient été naturalisées telles que l’assassinat les avait laissées et qui montraient leurs blessures dans une caisse de verre, comme, quelquefois, derrière la vitre des bijoutiers, une main de cire montre ses bagues ou ses bracelets. Ici, quelles bagues, quels bracelets dont la pourpre avait horriblement bruni !

« Ce sont les mains de mon père… »

Mais ils entendirent du bruit derrière eux et se retournèrent. Dans l’ombre, sur un sofa, une forme remuait et se dressa tout à coup en prononçant des mots que le jeune homme ne comprit pas. Un homme s’avança, habillé comme les tziganes que Rouletabille avait visités la veille en compagnie d’Ivana, dans un proche village, à côté du cimetière. Il avait de bonnes bottes, un pantalon bien épais, une ample touloupe de mouton assez sale et un bonnet en peau de chat de trois couleurs.

« C’est notre berger, Vélio, dit-elle, dévoué comme un chien. Je ne sais pas pourquoi mon oncle l’a placé ici avec ordre de ne laisser entrer personne. Vélio veut que nous nous en allons. Il s’en va prévenir mon oncle… »

Elle s’en fut vers un énorme coffret peint d’images naïves et tout clouté de cuivre, placé sur un tabouret byzantin, à côté des dépouilles manuelles de l’illustre mort…

Avec une petite clef, elle l’ouvrit…

« Ici, dit-elle, sont les souvenirs de ma mère… »

Et elle tira sans émotion apparente, mais après les avoir dévotement baisées cependant, quelques reliques… des étoffes de vieille soie… une paire de gants… de longs gants blancs tout maculés d’atroces taches brunes…

« Voyez, ces gants !… Pauvre maman ! Pauvre maman !… Tenez ! Et la robe qu’elle avait ce soir-là… Elle