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LE CHÂTEAU NOIR

Les jeunes gens étaient ahuris. Avant qu’ils eussent eu le temps de protester, deux soldats prenaient la consigne dans le vestibule et les deux autres entraînaient Rouetabille.

« Bah ! bah ! je vous suis, fit le reporter. Bas les pattes ! (Et, en lui-même). Eh bien ! ça va être commode de faire du reportage dans ce pays-là !… Seulement, maintenant, je connais leur plan !… »

Chez le général-major ! Quel général-major ? Rouletabille ne fut pas peu étonné de se voir conduire à l’endroit même d’où il venait. Il revoit la rue Moskowska et le jardin et la vieille maison du général Vilitchkov, la maison d’Ivana. Le premier étage est encore éclairé. La soirée doit toucher cependant à sa fin.

On pousse le reporter dans le pavillon du concierge, près de la grille. Ce pavillon est vide de son schwitzar. C’était la prison momentanée de Rouletabille.

« Le général-major va venir vous voir tout à l’heure… » annonce le général Poutilof, avant de refermer la porte, devant laquelle il laisse une sentinelle.

Il y a une autre sentinelle à la grille. Rouletabille est bien gardé.

Il attend. Une heure se passe. Il s’impatiente. Il s’assied. Il somnole, il se réveille en sursaut : il se demande où il se trouve, il se rappelle son étrange captivité, il court à l’unique fenêtre qui donne sur le jardin ; il soulève le rideau.

Plus de lumière, là-bas… Mais quelles sont ces ombres qui glissent dans le jardin sous le clair de lune ? On dirait des officiers… Pourquoi se dissimulent-ils ainsi ? Pourquoi marchent-ils courbés ?… Les voilà qui courent !… Ils pénètrent dans la maison comme des voleurs… Puis un cri soudain… un cri de mort ! Rouletabille croit avoir reconnu la voix d’Ivana. Il ne raisonne plus, il ouvre la fenêtre, bondit dans le jardin sans penser qu’il peut être fusillé à bout portant par la sentinelle. Mais voilà qu’il chancelle sur un corps. Il se penche, il tâte, il recule…