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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/108

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LE CHÂTEAU NOIR

jusqu’au commencement de cette nuit où, de gouttière en gouttière, j’étais parvenu jusqu’au haremlik. J’ai failli me tuer en me laissant tomber d’une hauteur de dix mètres dans les jardins, car la corde qui me restait était trop courte. Heureusement, je ne me suis pas blessé, mais j’ai tué un eunuque dont je n’ai eu que le temps de glisser le corps dans un soupirail. De là, j’ai pu gagner la piscine, et pour me réserver une retraite dans le cas où je réussirais à sauver Ivana, après avoir tué Gaulow, j’ai fait sauter le grillage d’une petite fenêtre qui donnait sur la corniche, au-dessus du torrent ! N’est-ce point par cette fenêtre que vous êtes entré dans le harem ?

— Parfaitement ! dit Rouletabille… C’est donc cela que j’en ai trouvé le chemin tout préparé…

— En penchant la tête, continua Athanase, j’aperçus alors la corniche et je pensai que par là je pouvais aller jusqu’au donjon. Pour m’en assurer, je me laissai glisser sur la corniche et j’arrivai ainsi jusqu’à cette petite fenêtre, qui me parut, d’après la disposition du lieu, être celle qui ouvrait sur le cachot même que nous avait fait visiter M. Priski. Les barreaux en étaient scellés intérieurement dans une pierre à moitié pourrie par la mousse et je n’eus point de peine à la faire sauter… Puis, pour pousser l’expérience jusqu’au bout, je me jetai dans le cachot. La vue du squelette prisonnier me donna l’idée, à cause du désir que j’avais d’offrir Gaulow à ma chère Ivana, de délivrer le squelette dans l’espérance que je pourrais peut-être le remplacer par le cher seigneur que voilà !… »

Il se tourna alors vers la jeune femme qui n’avait point quitté le fond de l’ombre :

« J’ai réussi au delà de toute espérance, madame, puisque le squelette est dans le cachot à côté et que vous pourrez trancher la tête de Gaulow quand cela vous fera plaisir !… »

Il y eut un tressaillement dans l’ombre, du côté d’Ivana, cependant que le reporter pensait : « Quelle drôle de mystérieuse histoire est encore celle-ci !… »