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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/113

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LE DONJON ASSIÉGÉ

Ainsi Rouletabille s’expliquait la tranquillité relative dont, momentanément, on leur permettait de jouir.

Aussitôt après le départ d’Athanase, Rouletabille avait commencé sa tournée. D’abord il s’était occupé du souterrain. Il avait quitté presque immédiatement le cachot, entraînant avec lui La Candeur, priant Ivana de garder un instant le prisonnier. Son dernier mot avait été pour lui recommander l’otage.

Il la laissait seule avec Gaulow pour qu’elle décidât seule de ce qu’elle avait à faire. Il savait qu’elle ne trouverait qu’en elle-même la raison suffisante pour comprendre que Gaulow vivant leur servirait davantage que Gaulow mort : et ce n’était point ce qu’on pouvait lui dire qui eût pu changer sa résolution, si elle voulait absolument goûter l’ivresse sanglante de la vengeance.

Tout au plus, Rouletabille avait-il osé lui suggérer une solution pratique, dans la situation désespérée où ils se trouvaient, mais il eût été maladroit d’insister.

Il la quitta donc, lui faisant bien entendre, par cette attitude, que le prisonnier lui appartenait. Enfin, si elle le tuait, si elle le torturait, si elle le martyrisait, comme en était fort capable cette fille du Balkan élevée entre deux assassinats, il ne serait point là, lui, Rouletabille, pour assister à une scène dont la pensée seule lui faisait horreur, tellement horreur que, dans l’instant où il s’imaginait Ivana accomplissant l’atroce chose, il se demandait comment il avait pu l’aimer !

Quand il était revenu de sa tournée dans le souterrain, après avoir constaté que la dynamite avait fait de la bonne besogne et que l’écroulement avait été tel, de ce côté, que les assiégés n’avaient jusqu’à nouvel ordre, rien à redouter sous terre, il avait été heureux et surpris de retrouver, dans le cachot, Gaulow vivant à côté d’Ivana, Gaulow à qui l’on n’avait pas touché. Alors il avait pris les mains d’Ivana et lui avait dit :

« Merci !… »

Il l’adorait.