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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/122

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LE CHÂTEAU NOIR

« Aussi m’étais-je dit que, dès que j’aurais quelque argent, et que ma situation me le permettrait, mon premier soin serait de mettre de côté des bottines pour les mauvais jours ! Et je me suis tenu parole, mon bon petit Rouletabille. Ayant fait dans un grand quotidien un honorable plongeon, chaque fois que mes fins de mois me l’ont permis, je me suis fait faire une paire de chaussures ! Tu vois d’ici, Rouletabille, toutes mes économies ! Et tu aurais voulu que je les abandonne !…

— Mais, malheureux ! s’exclama Rouletabille sincèrement apitoyé par ce plaidoyer inattendu, qu’est-ce que tu en feras de tes économies, quand nous serons, par ta faute, tous morts de faim ?…

— Eh ! bien nous n’en sommes pas là !… fit La Candeur avec une grande assurance… nous avons encore les « déjeuners du cycliste » de Vladimir !… »

Vladimir lui lança un regard foudroyant.

Rouletabille dit à Vladimir :

« Vous saviez cela, vous ! et vous ne me l’avez pas dit ? Je comprends maintenant pourquoi vous avez refusé de vous défaire de deux « déjeuners du cycliste… » Au fond, vous avez bien fait ! Deux déjeuners peuvent nous permettre de « tenir » vingt-quatre heures de plus… Allons ! faisons notre deuil des conserves, mais il faudra nous serrer le ventre !… et voyons vos déjeuners !… J’espère que votre cantine n’est pas pleine d’escarpins, à vous ?… Eh bien ! ouvrez-la ! Qu’est-ce que vous attendez ?…

— Monsieur, j’ai perdu la clef !

— Si ce n’est que ça, fit Rouletabille, on s’en passera. Faites sauter la serrure !

— Monsieur, moi je n’ai aucun instrument pour faire sauter la serrure !

— Ah ! tenez ! Vous êtes aussi stupide que La Candeur ! »

Et il se mit lui-même à l’ouvrage. La serrure était solide ; elle résistait.