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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/140

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IX

LA CHANSON DE LA MARITZA


Rouletabille avait le cœur d’Ivana contre le sien quand elle laissa échapper ce vœu déchirant. Il la sentit vraiment si désespérée de ne pas tuer qu’il pâlit d’aimer un cœur qui savait haïr ainsi et qu’il en eut pitié :

« Allons, va le tuer ! dit-il.

— Le tuer comme je voudrai ? »

Ah ! l’abominable petite sauvage qu’elle était restée, en dépit de son éducation occidentale, en dépit de l’amour, en dépit de tout. Il décroisa les bras dont elle lui enlaçait le cou. Il lui rendit sa liberté sans ajouter un mot. Et elle, non plus, ne parla plus. Seulement elle descendit et elle était aussi pâle que lui. Il la regardait s’enfoncer dans le trou obscur de l’escalier et il frissonnait de l’horrible besogne qu’elle allait accomplir, vers laquelle elle descendait en s’appuyant à la muraille, comme ivre déjà du sang qu’elle se promettait de répandre…

Le cœur de Rouletabille était glacé. On allait vite du feu à la glace avec une aventure pareille !… Quel amour et quelle horreur ! Elle allait tuer !… Et cependant il n’y avait pas cinq minutes qu’il était sûr qu’elle avait tout