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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/28

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LE CHÂTEAU NOIR

Pour ces dames, toute femme qui n’est point musulmane est une Française !… du moins ont-elles gardé l’habitude de l’appeler ainsi, car la plupart d’entre elles ont reçu une instruction et une éducation qui ne leur permettent plus d’ignorer la géographie.

« Machalla ! Elle est charmante ! » déclarèrent-elles toutes.

Elles savaient cependant que c’était une rivale ou une nouvelle maîtresse, devant la volonté de laquelle tout allait céder désormais au harem ; mais elles prenaient garde d’en montrer du dépit. Et puis, elles lui étaient reconnaissantes de les avoir débarrassées de la première kadine, qu’elles détestaient.

Elles lui prenaient les mains, les baisaient, admiraient ses yeux, caressaient sa soyeuse chevelure.

Parmi ces femmes, il y en avait qui étaient vêtues splendidement. La soie, les broderies d’or, la fine mousseline d’ananas, les perles fines, les diamants lourdement enchâssés, s’étalaient à profusion dans leurs ajustements, et point toujours avec le meilleur goût. Les kadines de l’Istrandja-Dagh ne sauraient rivaliser avec celles du Bosphore, qui savent s’habiller avec autant de science que de délicatesse, soit à l’ancienne mode, soit à la mode parisienne.

Ici, on était au fond de l’Orient le plus lointain, de celui des vieux âges. Depuis le charmant tarbouche, espèce de bonnet grec, posé coquettement sur des nattes de cheveux entremêlées de petites pièces d’or qui faisaient entendre au moindre mouvement de tête leur bruit métallique, jusqu’aux mignonnes babouches, jusqu’aux colliers de corail qui s’entrelaçaient sur les poitrines, tout datait, tout était vieux-turc.

Celles qui étaient les plus brillamment parées se nommaient les cettis, ou « dames » hiérarchiquement classées. Les autres étaient des odalisques chargées de fonctions plus ou moins subalternes.

Il y avait, comme chez les hommes de la maison mili-