Aller au contenu

Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
COMMENT ROULETABILLE ÉTAIT MORT

donjon et « d’exécuter tous ces gens-là » sans courir le risque de troubler la fête, ce qui ne manquera point d’arriver si l’on s’obstine à agir ce soir même. »

Le chapelain alla consulter Stefo le Dalmate.

Les voyant perplexes, Rouletabille s’avança :

« Messieurs, dit-il, il y a un moyen de faire ouvrir la porte du donjon ; seulement ce moyen est dangereux.

— Quel est-il ? demanda le chapelain.

— Il consisterait à dégager un peu les abords du pont-levis, expliqua Rouletabille, et à nous laisser nous avancer, mon ami et moi. Nul doute que, pour nous sauver, notre ami, qui est resté avec les domestiques dans le donjon, n’entr’ouvre la porte. Alors, vous accourez, vous vous précipitez derrière nous et vous empêchez qu’il ne la referme !…

— Parfaitement, obtempéra le chapelain ; seulement il se peut très bien que nous ne parvenions point à l’empêcher de la refermer, et si vous avez pu pénétrer dans le donjon, vous voilà momentanément sauvés !

— Voilà pourquoi je vous ai dit tout d’abord, répliqua Rouletabille, que le moyen est dangereux. Mais au fond, si l’on réfléchit bien, pour qui est-il surtout dangereux ? Il l’est beaucoup plus pour nous que pour vous. Si nous entrons dans le donjon, qu’est-ce que vous risquez ? De nous reprendre demain ! Et nous, si nous n’y entrons pas, non seulement nous restons ce soir vos prisonniers, mais nous faisons courir le risque à nos amis de les faire prendre avec nous !… jugez !… »

Le chapelain se grattait le bout du nez.

« Ce serait peut-être amusant, dit-il,

— Oui, fit Priski, chacun courrait son risque. »

Et ils expliquèrent la chose à Stefo, qui voulut bien en rire comme d’un jeu qu’il accepta tout de suite, avec l’arrière-pensée de fusiller les jeunes gens sur le pont-levis au moment où la porte s’ouvrirait. Comme cela, il était sûr de ne point perdre ses prisonniers et acceptait pour lui et les siens la chance d’arriver à la porte avant qu’elle