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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/76

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LE CHÂTEAU NOIR

elle eût voulu être morte. Puisque rien n’avait réussi de ce qu’elle avait tenté et puisque Rouletabille était mort, elle appelait la mort à son tour, de toute son âme… Elle vit que l’autre se rapprochait d’elle. Elle lui cracha à la figure ces mots :

« Oui, il y a quelque chose de plus fort que l’amour, c’est la haine !

— Je l’ai toujours pensé, fit-il, et c’est ainsi que je me suis toujours expliqué vos sentiments pour moi… Vous ne m’avez épousé que par haine, Ivana Ivanovna… et dans le dessein de vous venger, avouez-le donc !… Ah ! si vous aviez eu une arme !… qu’est-ce que vous auriez fait de Gaulow ?… Pauvre Gaulow !… Tuer Gaulow !… Vous avez toujours été prête à donner votre-vie pour cela !… Pour avoir la tête de Gaulow… entre vos mains… la tête de Gaulow… entre vos charmantes petites mains… n’est-ce pas que vous vous êtes mariée pour cela ? Mais je me méfie de Judith, et des coffrets byzantins !… »

Elle redressa la tête… Pourquoi lui parlait-il tout à coup du coffret byzantin ? Que voulait-il dire ?… Elle ne comprenait pas.

Il continua, en ricanant :

« Des coffrets byzantins, qui contiennent tant de souvenirs de famille et de si beaux bijoux ! Des bijoux qui piquent ! Des bijoux qui tuent ! Et de jolies petites croix de ma mère, aiguës comme des poignards, comme des poignards qu’on enfoncerait si aimablement dans le cœur du pauvre Gaulow !

« Ah ! fvana Ivanovna, quelle belle nuit de noces vous lui réserviez, au seigneur de la Karakoulé, avec votre coffret byzantin ! »

Elle ouvrait des yeux énormes, immenses ! Encore une fois, l’espoir renaissait en elle, l’espoir que sa mort prochaine et celle de Rouletabille n’auraient pas été inutiles ! Alors, alors, c’était encore possible, cela : que Gaulow ignorât le véritable trésor du coffret byzantin ! Et que les paroles si précises qu’il avait prononcées, con-