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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/82

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LE CHÂTEAU NOIR

Mais l’autre proteste… elle n’a pas eu le temps de voir !… Elle a à peine ouvert le coffret… et elle l’a refermé tout de suite… ce n’était vraiment pas la peine de tant le demander, ce coffret ! Il veut encore se lever pour lui montrer les bijoux de sa nuit de noces qu’il a mis, par surprise, dans le coffret ! mais encore elle le retient !…

« Restez près de moi ! ose-t-elle dire, si bas qu’il peut à peine l’entendre… mais il comprend qu’elle ne demande qu’à être prise dans ses bras et que, lasse enfin d’une lutte inégale et inutile, la femme s’abandonne au beau Pacha Noir ! Car il est beau et le sait. Par Allah !… il a connu suffisamment de victoires pour ne pas s’étonner outre mesure de celle-ci…

— Ivana !…

— Kara Selim ! soupire la jeune femme en dénouant légèrement l’étreinte qui se resserre autour d’elle… Kara Selim, je suis votre femme… et je vous obéirai… Mais si vraiment vous m’aimez comme vous le dites, ayez un peu pitié de moi !… Je vous jure que je ne vous résisterai plus… vous pouvez faire de moi, dès maintenant, ce que vous voudrez… Je suis à bout de forces… je suis lasse… je suis à vous, mon ami… Mais laissez-moi, voulez-vous… laissez-moi quelques minutes… épargnez-moi quelques minutes encore… laissez-moi seule ? Si je vous demande cela, qui est bien naturel…

— C’est par ruse ! dit-il, rendu immédiatement à toute sa méfiance.

— Non !… c’est par convenance… Quand vous reviendrez… dans quelques minutes… vous trouverez une femme docile, mon ami, et qui vous attendra… »

Kara Selim la regarda, puis lentement se leva.

« Je vous accorde ces quelques minutes-là, dit-il en se mordant les lèvres, car il prévoyait encore quelque calcul pour lui échapper… Mais sachez, Ivana, que ce seront les dernières… et que si vous me trompez, je vous en ferai repentir ! »