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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/88

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LE CHÂTEAU NOIR

tiras le roc sous tes pieds… tu dénoueras la corde : je descendrai ensuite le coffret et puis je dégringolerai à mon tour… »

Elle secoua la tête.

« Non ! non ! fit-elle, le coffret d’abord ! Et puis nous descendrons tous les deux ensemble ! Nous nous sauverons ensemble ou nous mourrons ensemble… Descendons le coffret et nous glisserons ensuite le long de la corde !

— Tu n’auras pas peur !

— Non ! »

Il n’y avait pas à hésiter.

Il la connaissait. Elle ne lâcherait pas son coffret.

En un tournemain, il eut noué la corde autour du coffret, et ils le poussèrent ou plutôt essayèrent de le pousser hors du balcon.

Fatalité ! Le coffret ne passait pas !

Non ! l’écartement entre les barreaux restés intacts n’était pas assez large ! I] eût fallu scier deux barreaux et ils n’en avaient pas le temps !

Ivana laissa échapper un gémissement de désespoir, et Rouletabille, qui ne jurait jamais, blasphéma :

« En être arrivés là après tant d’efforts, tant d’efforts !

— Il ne passe pas, fit Rouletabille, très pâle ! Ivana ! nous avons fait tout ce qu’il était humainement possible de faire pour avoir ces documents ! Il faut partir !… »

Et il voulut l’entraîner encore… mais elle se dégagea et lui jeta dans un rauque sanglot :

« Jamais !… Il faut savoir !… Il faut savoir !

— Mais c’est de la folie !… répliqua-t-il en se jetant encore sur le coffret et en le secouant avec plus de rage qu’elle n’en avait montré… Tu vois bien qu’on n’en a point découvert le secret ; du reste, cette peinture ne ressemble pas plus, dans son effacement, à une Sophie qu’à toute autre figure… On peut être tranquille… Rassure-toi !… Les documents y sont toujours ! Et comme nul ne s’en doute, on peut agir comme s’ils étaient en notre possession… comme si nous les avions vus !