Aller au contenu

Page:Leroux - Le Mystère de la chambre jaune, 1907.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Eh quoi ! La « Chambre Jaune » n’a qu’une fenêtre grillée « dont les barreaux n’ont pas été descellés, et une porte que l’on défonce… » et l’on n’y trouve pas l’assassin !

– C’est ainsi, monsieur ! C’est ainsi !… C’est ainsi que la question se pose !… »

Boitabille ne dit plus rien et partit pour des pensers inconnus… Un quart d’heure ainsi s’écoula.

Quant il revint à nous, il dit, s’adressant encore au juge d’instruction :

– Comment était, ce soir-là, la coiffure de Mlle Stangerson ?

– Je ne saisis pas, fit M. de Marquet.

– Ceci est de la dernière importance, répliqua Boitabille. Les cheveux en bandeaux, n’est-ce pas ? Je suis sûr qu’elle portait ce soir-là, le soir du drame, les cheveux en bandeaux !

– Eh bien, monsieur Boitabille, vous êtes dans l’erreur, répondit le juge d’instruction ; Mlle Stangerson était coiffée, ce soir-là, les cheveux relevés entièrement en torsade sur la tête… Ce doit être sa coiffure habituelle… Le front entièrement découvert…, je puis vous l’affirmer, car nous avons examiné longuement la blessure. Il n’y avait pas de sang aux cheveux… et l’on n’avait pas touché à la coiffure depuis l’attentat.

– Vous êtes sûr ! Vous êtes sûr que Mlle Stangerson, la nuit de l’attentat, n’avait pas « la coiffure en bandeaux » ?…

– Tout à fait certain, continua le juge en souriant… car, justement, j’entends encore le docteur me dire pendant que j’examinais la blessure : « C’est grand dommage que Mlle Stangerson ait l’habitude de se coiffer les cheveux relevés sur le front. Si elle avait porté la coiffure en bandeaux, le coup qu’elle a reçu à la tempe aurait été amorti. » Maintenant, je vous dirai qu’il est étrange que vous attachiez de l’importance…

– Oh ! Si elle n’avait pas les cheveux en bandeaux ! gémit Boitabille, où allons-nous ? où allons-nous ? Il faudra que je me renseigne.

Et il eut un geste désolé.

« Et la blessure à la tempe est terrible ? demanda-t-il encore.

– Terrible.

– Enfin, par quelle arme a-t-elle été faite ?

– Ceci, monsieur, est le secret de l’instruction.

– Avez-vous retrouvé cette arme ? »

Le juge d’instruction ne répondit pas.

« Et la blessure à la gorge ? »

Ici, le juge d’instruction voulut bien nous confier que la blessure à la gorge était telle que l’on pouvait affirmer, de l’avis même des médecins, que, « si l’assassin avait serré cette gorge quelques secondes de plus, Mlle Stangerson mourait étranglée ».

« L’affaire, telle que la rapporte Le Matin, reprit Boitabille, acharné, me paraît de plus en plus inexplicable. Pouvez-vous me dire, monsieur le juge, quelles sont les ouvertures du pavillon, portes et fenêtres ?

– Il y en a cinq, répondit M. de Marquet, après avoir toussé deux ou trois fois, mais ne résistant plus au désir qu’il avait d’étaler tout l’incroyable mystère de l’affaire qu’il instruisait. Il y en a cinq, dont la porte du vestibule qui est la seule porte d’entrée du pavillon, porte toujours automatiquement fermée, et ne pouvant s’ouvrir, soit de l’intérieur, soit de l’extérieur, que par deux clefs spéciales qui ne quittent jamais le père Jacques et M. Stangerson. Mlle Stangerson n’en a point besoin puisque le père Jacques est à demeure dans le pavillon et que, dans la journée, elle ne quitte point son père. Quand ils se sont précipités tous les quatre dans la « Chambre Jaune » dont ils avaient enfin défoncé la porte, la porte d’entrée du vestibule, elle, était restée fermée comme toujours, et les deux clefs de cette porte étaient l’une dans la poche de M. Stangerson, l’autre dans la poche du père Jacques. Quant aux fenêtres du pavillon, elles sont quatre : l’unique fenêtre de la « Chambre Jaune », les deux fenêtres du laboratoire et la fenêtre du vestibule. La fenêtre de la « Chambre Jaune » et celles du laboratoire donnent sur la campagne ; seule la fenêtre du vestibule donne dans le parc.

– C’est par cette fenêtre-là qu’il s’est sauvé du pavillon ! s’écria Boitabille.