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Page:Leroux - Le Mystère de la chambre jaune, 1907.djvu/22

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– Comment le savez-vous ? fit M. de Marquet en fixant sur mon ami un étrange regard.

– Nous verrons plus tard comment l’assassin s’est enfui de la « Chambre Jaune », répliqua Boitabille, mais il a dû quitter le pavillon par la fenêtre du vestibule…

– Encore une fois, comment le savez-vous ?

– Eh ! mon Dieu ! c’est bien simple. Du moment qu’« il » ne peut s’enfuir par la porte du pavillon, il faut bien qu’il passe par une fenêtre, et il faut qu’il y ait au moins, pour qu’il passe, une fenêtre qui ne soit pas grillée. La fenêtre de la « Chambre Jaune » est grillée, parce qu’elle donne sur la campagne ; les deux fenêtres du laboratoire doivent l’être certainement pour la même raison. « Puisque l’assassin s’est enfui », j’imagine qu’il a trouvé une fenêtre sans barreaux, et ce sera celle du vestibule qui donne sur le parc, c’est-à-dire à l’intérieur de la propriété. Cela n’est pas sorcier !…

– Oui, fit M. de Marquet, mais ce que vous ne pourriez deviner, c’est que cette fenêtre du vestibule, qui est la seule, en effet, à n’avoir point de barreaux, possède de solides volets de fer. Or, ces volets de fer sont restés fermés à l’intérieur par leur loquet de fer, et cependant nous avons la preuve que l’assassin s’est, en effet, enfui du pavillon par cette même fenêtre ! Des traces de sang sur le mur à l’intérieur et sur les volets et des pas sur la terre, des pas entièrement semblables à ceux dont j’ai relevé la mesure dans la « Chambre Jaune », attestent bien que l’assassin s’est enfui par là ! Mais alors ! Comment a-t-il fait, puisque les volets sont restés fermés à l’intérieur ? Il a passé comme une ombre à travers les volets. Et, enfin, le plus affolant de tout, n’est-ce point la trace retrouvée de l’assassin au moment où il fuit du pavillon, quand il est impossible de se faire la moindre idée de la façon dont l’assassin est sorti de la « Chambre Jaune », ni comment il a traversé forcément le laboratoire pour arriver au vestibule ! Ah ! oui, monsieur Boitabille, cette affaire est hallucinante… C’est une belle affaire, allez ! Et dont on ne trouvera pas la clef d’ici longtemps, je l’espère bien !…

– Vous espérez quoi, monsieur le juge d’instruction ?… »

M. de Marquet rectifia :

– « … Je ne l’espère pas… Je le crois…

– On aurait donc refermé la fenêtre, à l’intérieur, après la fuite de l’assassin ? demanda Boitabille…

– Évidemment, voilà ce qui me semble, pour le moment, naturel quoique inexplicable… car il faudrait un complice ou des complices… et je ne les vois pas… »

Après un silence, il ajouta :

« Ah ! Si Mlle Stangerson pouvait aller assez bien aujourd’hui pour qu’on l’interrogeât… »

Boitabille, poursuivant sa pensée, demanda :

« Et le grenier ? Il doit y avoir une ouverture au grenier ?

– Oui, je ne l’avais pas comptée, en effet ; cela fait six ouvertures ; il y a là-haut une petite fenêtre, plutôt une lucarne, et, comme elle donne sur l’extérieur de la propriété, M. Stangerson l’a fait également garnir de barreaux. À cette lucarne, comme aux fenêtres du rez-de-chaussée, les barreaux sont restés intacts et les volets, qui s’ouvrent naturellement en dedans, sont restés fermés en dedans. Du reste, nous n’avons rien découvert qui puisse nous faire soupçonner le passage de l’assassin dans le grenier.

– Pour vous, donc, il n’est point douteux, monsieur le juge d’instruction, que l’assassin s’est enfui – sans que l’on sache comment – par la fenêtre du vestibule !

– Tout le prouve…

Je le crois aussi », obtempéra gravement Boitabille.

Puis un silence, et il reprit :

– Si vous n’avez trouvé aucune trace de l’assassin dans le grenier, comme par exemple, ces pas noirâtres que l’on relève sur le parquet de la « Chambre Jaune », vous devez être amené à croire que ce n’est point lui qui a volé le revolver du père Jacques…

– Il n’y a de traces, au grenier, que celles du père Jacques », fit le juge avec un haussement de tête significatif…