Aller au contenu

Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Si vous étiez chic, dit-elle, vous m’en feriez cadeau…

— Je n’osais pas vous l’offrir, mademoiselle, dit Teramo-Girgenti. Cet équipage est à vous. Et je vous donne par-dessus le marché le cocher.

Et il cria : « Cassecou ! Tu appartiens désormais à Madame ! »

Sur le siège le cocher s’inclina et le comte alla, lui-même, ouvrir la portière.

De l’équipage descendit aussitôt Philibert Wat, que le comte avait tout à fait oublié et qui commençait seulement à se remettre d’une si chaude alarme. Le banquier voulut présenter Liliane au comte, mais celui-ci déclara que la chose était déjà faite ; puis ayant aidé la jeune femme à s’installer dans le coupé, il monta auprès d’elle, donna le signal du départ, et laissa, médusé, Philibert Wat sur le trottoir.

— Marcelle Férand va être furieuse ! observa en riant Liliane. Bah ! je prendrai ma leçon une autre fois ! Et où me conduisez-vous ainsi, monsieur… monsieur…

— Le comte de Teramo-Girgenti !…

— Joli nom !

— Jolie femme !

Et le comte regarda Liliane.

VI

VERS LE PASSÉ

Bien que nous n’ayons encore défini la beauté de Mlle Liliane d’Anjou que d’une façon très imprécise, le lecteur n’ignore point cette beauté tout à fait.

En vérité, quand nous avons pénétré d’une façon si mystérieuse dans la chambre de Robert Pascal, nous avons eu l’occasion de décrire par le menu un portrait de femme qui faisait, avec une glace, l’ornement de ces murs austères.

On retrouvait chez Mlle Liliane d’Anjou, d’une façon frappante, le dessin du visage de cette belle personne. Notre demi-mondaine avait encore la même teinte blonde de cheveux et les yeux bruns du portrait, mais ce que le portrait n’avait pas, c’était cette mélancolie, cet air détaché de tout, cet aspect d’égoïsme impertinent et tranquille, ce mépris des autres et peut-être de soi-même, imprimé sur le front de Liliane.

Sa taille était une merveille et sa démarche en était une autre. On avait vu de vieux Parisiens, disons des gens que rien n’étonne, s’éprendre subitement de Liliane après l’avoir rencontrée simplement au Bois, à l’heure des Acacias, mollement étendue sur les coussins de