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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/136

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— Pardonnez-moi… Figurez-vous, monsieur, que j’ai eu un moment l’illusion que c’était mon frère qui me conduisait dans cette cabane… Je ne vous regardais pas… et je vous tenais par la main comme autrefois…

Liliane entra, et elle frappa aussitôt des mains avec une joie enfantine !…

— Oh ! sa bêche !… Mon râteau !… C’est avec cette bêche-là qu’il creusait mon petit jardin pour y planter des pieds de violettes que notre mère rapportait du marché…

— Qui, il ?… interrogea le comte, dont la main tremblait à côté de la main de Liliane, sur la petite bêche…

— Mais, mon frère !…

Et, tout à coup :

— Qu’est devenu mon frère, maintenant ?… Mon Dieu ! Il est peut-être mort… Je ne sais même pas comment il s’appelait…

— Comment, mon enfant, demanda le comte, vous ne vous souvenez même pas du nom de votre frère ?…

— Oh ! monsieur… c’est bien naturel, puisque j’ai en vain essayé de me rappeler mon nom à moi…

Teramo-Girgenti se pencha vers Liliane et, tout bas, lui dit :

— Clotilde !…

Ce mot n’avait pas été plutôt prononcé que Liliane poussa un grand cri :

— Robert !…

Et, dans un véritable délire, elle embrassa le comte. Il lui paraissait qu’à ces deux noms qui, si joyeusement jadis, avaient retenti entre ces murs, les arbres allaient reverdir, le printemps fleurir, la vieille maison s’animer, et les morts, ayant brisé, à l’appel de cet écho sacré, la porte du tombeau, reparaître avec les gestes de la vie !…

… Robert !… Clotilde !… Ah ! Comme elle les voyait maintenant, comme elle les entendait, le petit garçon et la petite fille !…

Et c’était lui, cet inconnu qui avait prononcé le mot magique !… Maintenant, elle le suppliait d’en dire davantage… davantage…

— Puisque vous ne pouvez être ni mon père, ni mon frère, finit-elle par dire, après un long silence qui semblait les avoir réunis plus qu’il ne les avait séparés, qui êtes-vous ?… Je ne sortirai pas d’ici sans le savoir…

— Je suis un envoyé de votre frère, dit le comte.

— Il est donc vivant ! s’écria-t-elle… Dieu soit loué !…

— Oui ! il est vivant…

— Conduisez-moi près de lui !

— Un jour… un jour viendra où je vous conduirai près de lui, Liliane…

— Bientôt ?…