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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/160

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lui avait suffi, pour déterminer un double évanouissement, de prononcer une phrase bien banale en apparence, mais qui devait sans doute être redoutable au fond : « Tu es la Marguerite des Marguerites ! Tu es la perle des Valois ! »

Robert Pascal rouvrit les yeux. Il reprit sur-le-champ possession de lui-même et, sur un ton inattendu de commandement, il pria le Professeur et Raoul Gosselin de le laisser seul avec la mère Héloïse évanouie.

— Mon devoir de médecin… commença le Professeur.

— Est d’aller boire à ma santé et de ne rien dire à personne de cet incident, fit Robert Pascal, et il les mit tous deux littéralement à la porte, et referma celle-ci à clef.

Puis, comme il avait tiré de sa poche un étui dans lequel se trouvait un flacon qu’il allait faire respirer à la concierge toujours immobile, il s’aperçut qu’une figure à profil de fouine regardait par les carreaux… Il fit glisser immédiatement le rideau de serge sur sa tringle de cuivre.

— Où donc ai-je vu ce museau-là ? se demanda le jeune homme, et il s’agenouilla auprès du corps de dame Héloïse, cependant qu’il soupirait :

— Enfin, mon Dieu ! Je vais donc savoir !

Le dictame que contenait le flacon de Robert Pascal devait être bien puissant, car son efficacité ne se fit point attendre une minute. À son tour, dame Héloïse ouvrit les yeux ; elle parut fort étonnée de se trouver sur le carreau de sa loge, en compagnie de ce jeune homme à genoux qui lui prodiguait ses soins. Mais elle reconnut l’un de ses meilleurs locataires, lui sourit et lui demanda d’une voix éteinte ce qui lui était arrivé.

Mme Héloïse, c’est à cause du perroquet.

— Du perroquet ? répéta la concierge en se passant la main sur le front comme si elle faisait un violent effort de mémoire.

— Oui, de Salomon, Salomon a parlé.

— Salomon a parlé ! Oui ! Je me souviens maintenant !…

— Et cela vous a produit un tel effet…

— Dame, mon bon monsieur Pascal, songez donc que je ne l’avais pas entendu depuis des années !… J’ai cru entendre sortir de la tombe la voix de mon pauvre mari ! Salomon l’imitait si bien ! J’aimais beaucoup Prévost…

— Qui était-ce Prévost ?

— C’était mon mari ! Vous êtes trop jeune, monsieur Pascal, vous n’avez pas connu l’histoire de l’abbé Prévost… Ah ! le monde entier en a parlé dans les journaux ! Le meilleur homme de la terre, seulement il n’était pas plus fait pour être abbé que moi sans doute religieuse. Un beau jour, il m’a enlevée parce qu’il m’aimait. Nous avons disparu. On nous a cherchés. Quand on nous a retrouvés, j’étais enceinte, mon