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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/204

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— Il faut y aller ! Il faut tous y aller ! déclara Eustache Grimm. Il se passera là des choses certainement intéressantes.

— Oui, monsieur, obtempéra Teramo. On y fera de la musique et l’on y jouera la comédie.

La colonelle serra les mains du comte.

— Merci, monsieur, fit-elle, j’accepte. Malgré la catastrophe qui me frappe et qui est connue de tout Paris, j’irai à votre fête avec bonheur, puisque, grâce à elle, je reverrai bientôt mes enfants.

— Je l’espère, répondit Teramo-Girgenti en s’inclinant devant Mme Régine pour prendre congé… Je l’espère, car ce R. C… après tout, n’est point aussi dénué de cœur qu’on le prétend, et il trouvera certainement, colonel, que vous avez assez souffert comme père !

Sur cette dernière parole, le comte salua.

XV

LE LION AMOUREUX

Mlle Liliane d’Anjou habitait à Paris un magnifique appartement, sis au premier étage d’un des plus somptueux immeubles de l’avenue d’Iéna.

Liliane d’Anjou avait enchaîné Sinnamari et n’avait même point pour cela, qui était bien le triomphe amoureux le plus vaste qu’une courtisane pût concevoir, daigné sourire. Elle n’avait usé vis-à-vis de ce tout-puissant que de dédain et avec une telle persistance et opiniâtreté qu’il eût été difficile de trouver à Paris homme plus maltraité par sa maîtresse. Et, cependant, peut-être à cause de cela, Sinnamari était fou de Liliane. Cet homme, qui avait mis son ambition au-dessus de tout, eût peut-être été prêt à mettre son amour au-dessus de son ambition si Liliane le lui avait demandé, mais elle ne lui demandait rien ; rien que de l’argent, en échange de quoi elle lui avait promis son corps pour une époque qui restait encore à déterminer.

En vérité, Sinnamari en était là. Personne à Paris n’eût cru une chose pareille, et si les ennemis et surtout les amis de Sinnamari l’avaient su, ils auraient bien ri ; mais ils ne le savaient pas. Liliane avait répondu au terrible procureur qui l’avait suppliée de ne point laisser soupçonner autour d’elle et autour de lui que leur aventure en fût restée à ce point platonique — ce qui l’eût couvert de ridicule — qu’elle ne tenait nullement à lui faire affront et qu’elle était prête à proclamer qu’elle l’adorait, pourvu qu’il lui en demandât la preuve le plus tard possible.

Sinnamari savait qu’on ne comptait plus les amants de Liliane, et son malheur devait en apparaître plus grand. Une telle rigueur ne pouvait s’expliquer que par une certaine répugnance.