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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/238

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récompensés comme dans les contes de fées et les méchants cruellement punis.

Ce qui avait mis le comble à l’intérêt que l’on portait à cette mystérieuse figure, c’est que, au cours de cet hiver rigoureux, dix soupes populaires avaient été créées dans les plus pauvres quartiers de la capitale et dix asiles de nuits ouverts, sur la porte desquels se lisaient les fameuses initiales R. C. Ce roi des Catacombes était aimé des uns et haï des autres, sans être connu de personne, bien que l’on racontât qu’il fût partout à la fois. Les uns disaient qu’il n’employait que d’honnêtes gens, les autres affirmaient que les pires bandits étaient à sa solde.

La police, qui avait commencé par rire trop bruyamment de toutes ces histoires de brigands, avait fini par ne plus cacher qu’elle était sur la piste de la plus formidable organisation de malfaiteurs qui eût jamais existé.

La préparation de la fête du comte fut ébruitée, dans le public, en même temps que l’on commença à savoir que cet étranger était en affaire avec R. C. Sur quoi les journaux donnaient des détails sur le comte de Teramo-Girgenti.

Les reporters avaient interviewé quelques-uns de ses amis et s’étaient amusés à dépeindre sa figure comme celle d’un Cagliostro fin XIXe siècle. Il était riche comme s’il avait réellement trouvé la pierre philosophale, et il se disait immortel, naturellement. Les reporters, dans leur hâte, n’avaient pas eu le temps d’expliquer au public la différence qu’il y avait entre la résurrection perpétuelle de Teramo-Girgenti et l’immortalité du comte de Saint-Germain. Mais le public en savait assez pour se faufiler, ce soir-là, où on lui avait dit que le Teramo donnait une fête, aux abords de l’hôtel du millionnaire.

Quant à ce que nous appelons le Tout-Paris, qui avait été invité par le comte, et cela depuis plus de quinze jours, quinze jours qui avaient paru bien longs, tant on était déjà intrigué, il était venu en foule, d’autant plus que ce n’était plus un secret pour personne — Philibert Wat avait raconté la chose — que Teramo eût été autrefois le prisonnier du roi des Catacombes et qu’il lui eût payé une rançon de cinq millions. On avait fait des bassesses pour être invité à cette soirée mémorable. Philibert Wat, qui était le grand répartiteur des grâces du comte, avait été assiégé. Les femmes étaient les plus enragées.

Heureusement, les salons du comte étaient vastes et les serres immenses. La cour derrière l’hôtel, dont la porte donnait sur la rue de Ponthieu, avait été elle-même transformée en serre. On lui avait mis un toit de vitrage, on l’avait chauffée et on avait fait pousser là, en quelques heures, les arbres et les fleurs les plus rares et de véritables bosquets.

Tout le fameux aménagement réservé aux perroquets avait disparu.