Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/166

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Tiens, je donnerais dix ans de ma vie pour ne pas avoir fait ça… Tu peux me croire, Titin !

— Je vous crois d’autant mieux, monsieur Papajeudi, prononça Titin de plus en plus froid et distant, que ça ne vaut pas cher dix ans de votre vie à cette heure-ci, puisque vous m’annoncez que vous allez mourir…

— Assurément ! Mais enfin, c’est pour te dire que j’ai bien du regret ! Écoute, Titin, mets-toi à ma place, j’étais marié ! J’étais dans les affaires ! Je ne pouvais pas aller me dénoncer, dire : C’est moi… Tu vois le scandale d’ici, la prison ! Et ma pauvre femme, elle en serait devenue folle, elle aussi ! Ça aurait fait deux folles au lieu d’une ! Nous aurions été tous bien avancés ! D’autant plus que c’était moi et puis que ce n’était pas moi ! C’étaient les autres qui m’avaient entraîné… Eh bien ! les autres ils ne disaient rien ! Et puis, qu’est-ce qu’ils auraient dit, puisque ce malheur était fait !… Seulement, quand j’ai su que tu étais venu au monde, je me suis dit : C’est pas tout !… Il va falloir s’occuper de ce petit-là !…

Alors, je suis allé à la Fourca, je t’ai vu chez la mère Bibi… T’étais gentil comme tout, tu m’as pris le bout du nez en riant. Ah ! tu m’as conquis tout de suite. Alors, je me suis informé. Il n’a besoin de rien, m’a dit la mère Bibi… Avec moi et les chèvres, il ne sera pas à plaindre, c’t’enfant-là !

Et puis, t’as grandi comme ça… Je te suivais de loin. J’étais fier de toi ! T’aurais voulu crier à tout le monde : Le Bastardon ! C’est moi qui l’ai fait ! Mais je ne pouvais pas, natu-