Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/21

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Sur ces entrefaites, « Sa Majesté » Sébastien Morelli présenta au patron le nouveau service de nuit. Ils étaient là quatre gars, de vrais hercules qui ne craignaient ni Dieu ni diable, célèbres sur le port et à la gare des marchandises, où ils faisaient peu ou prou la contrebande, jonglant avec les caisses, les malles et les tonneaux. Le premier, qui était connu sous le nom de Noré « Tantifla » (Honoré Pomme de Terre), dit :

— Moi, s’il montre le bout de son nez, je vous le traîne ici battu comme seigle vert et vous demandant grâce pour la vie !

— Moi, dit Tony « Bouta » (Antoine La Barrique), je me roule dessus et je vous l’offre comme « touta de blea » (tarte de blette).

— Moi, déclara « Cioa Aiguardente » (François Eau-de-Feu), je m’en fais une fourre, histoire de me mettre en soif. Préparez votre « branda ».

— Et moi, proclama Peppino « Pistafun » (Pépin Pulvérise-Fumée), qu’il s’amène un petit peu et ce n’est plus qu’une « estrasse » (chiffon sale).

Quand ils furent partis, « Sa Majesté » demanda à M. Supia ce qu’il en pensait. Le patron répondit assez mélancoliquement qu’il ne doutait point de la force de ces messieurs, mais encore fallait-il que Hardigras montrât le bout de son nez. Or, jusqu’à ce jour, on ignorait comment était fait son appendice nasal.

— Laissez-moi faire ! dit « Sa Majesté » et je réponds du succès de l’expédition.

Il avait son idée. On approchait du temps de Carnaval et, depuis la veille, la « Bella