Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/307

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Quelques instants plus tard, le prince pénétrait dans la chambre. Toinetta était bien pâle sur son oreiller. Mais elle était bien belle. Ses yeux brillaient d’un éclat fiévreux et sa main avait glissé le long du drap comme une pauvre petite chose encore très lourde qu’elle n’avait pas eut la force de retenir. Le prince ploya un genou et baisa cette petite chose de marbre.

— Me pardonnerez-vous jamais ?

— Non, jamais ! fit-elle d’une voix sèche et nette qui détachait les syllabes comme un couteau… Ni à vous, ni aux autres qui étaient avec vous, ni à « personne » !…

Je vous ai fait venir pour vous dire qu’il ne pourra jamais y avoir de vous à moi que haine et mépris ! Vous m’avez compris ?

— Mais, mademoiselle, balbutia le prince…

— Bien ! ne répondez pas ! C’est inutile ! Je ne vous ai pas fait venir pour vous dire seulement cela, mais encore que je veux devenir votre femme !

— Ah !… Antoinette…

— Je vous défends de m’appeler Antoinette. Taisez-vous ! Je veux donc devenir votre femme le plus tôt possible ! Occupez-vous de cela. Ne perdez pas une seconde. Vous pouvez vous retirer.

Hippothadée se releva plutôt gêné. Sans doute, il avait prévu cette solution et sans doute y avait-il travaillé, mais il l’avait rêvée assurément moins prompte et, à tout prendre, moins brutale dans la façon dont elle était notifiée. Tout cela tenait en une courte phrase : on l’épousait mais on le méprisait.

Décidément, il n’y a point de bonheur complet en ce monde. Il eût voulu dire quelque