Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/69

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moi, dans mon humble intérieur, un prince de haute lignée, comme vous, ruiné comme vous, s’il ne vient pas chercher une dot !… Qui peut donc l’attirer ici ?… Me laisserez-vous chercher longtemps, Hippothadée ?…

Cette dernière phrase avait été jetée d’une façon si lugubre, la main qui tenait le malheureux Hippothadée s’était crispée sur l’épaule, qu’elle déchirait, avec tant de force insoupçonnée chez cet être falot et redoutable, que le prince se laissa tomber sur un siège, vaincu…

— Oh ! J’aime trop Mlle Antoinette pour continuer plus longtemps un débat qui m’épuise… Mais vous êtes dur en affaires, monsieur Supia !…

L’autre ricana en lui tendant la main :

— Topez là… J’assure votre avenir, enfant prodigue !… Comptez sur le père Supia… sur le « boïa », comme on m’appelle ici. Vous en rencontrerez souvent des bourreaux comme moi, qui vous apportent sur un plat une rente de cent cinquante mille francs et une jolie fille comme Antoinette !… Êtes vous bien à plaindre vraiment ?

Le prince prit la main qu’on lui tendait et la serra, sinon avec effusion, du moins avec toute la loyauté dont il était capable.

Cette minute les faisait complices. Elle était solennelle, émouvante. M. Supia ne desserrait point son étreinte. Il avait l’air de prendre définitivement possession d’un ami de qui il était en droit de tout attendre. Peut-être même allait-il lui donner l’accolade ainsi qu’on a accoutumé de faire dans les ménages bourgeois, quand la domestique vint avertir monsieur que « ces dames venaient d’arriver »,