Page:Leroux - Mister Flow.djvu/62

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déchaîné. Les nègres glapissent au-dessus de leurs banjos. Un peu de charleston dégarnit les tables. Helena s’est levée. Tous les convives aussi, d’un même mouvement.

Mais c’est avec moi qu’elle veut danser ! Moi qui n’ai jamais esquissé un pas de tango, moi qui ignore le shimmy !… moi, le charleston !… « Excusez-moi, fis-je, j’ai fait une chute de cheval récemment et la danse m’est momentanément interdite ! »

Elle ne paraît pas contente, lady Helena !

What a pity ! fait-elle et elle se laisse prendre la taille par le jeune duc de Wister, auquel elle réserve désormais tous ses sourires. Je n’existe plus ! Je ne sentirai plus la pointe de son soulier. Ce Lawrence devait être un parfait danseur ! Et il avait raison ! Je commence à comprendre que si l’on veut réussir dans la vie, aujourd’hui, réussir à tout, il faut d’abord savoir danser (je suis mûr, je fais pleuvoir des vérités premières). Un ingénieur, un médecin, un homme d’affaires et même un basochien qui ne sait pas danser, est condamné d’avance à la plus obscure médiocrité (phrases de primaire). Primaire et désarmé ! C’est la faute des programmes ! Buvons ! Il n’est jamais trop tard pour s’instruire. En attendant, je vais essayer d’être spirituel. Avec quelques histoires marseillaises, accommodées au goût anglais, je parviens à faire rire l’honorable société, qui n’a rien compris. Seule, Helena ne rit pas. Je suis furieux.

Du reste, on ne m’écoute plus. Il n’y a plus