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IV. — Le Midi bouge et la Camargue aussi

Les quelques lignes jetées en hâte par Rouletabille sur son carnet ne faisaient que rapporter brutalement un fait tragique que la justice d’un côté et le journalisme de l’autre allaient essayer de reconstituer dans ses moindres détails. Si, ce jour-là, Rouletabille avait été sobre de commentaires, c’était sans doute qu’il aurait eu trop à en faire.

Prévoyait-il déjà que cette affaire, apparue tout d’abord comme un sinistre fait divers, allait prendre bientôt les proportions d’un événement d’une portée européenne ? Il est certain qu’obéissant à un instinct sûr servi par une logique coutumière (cette logique, dans son langage imagé il l’appelait « le bon bout de la raison » ) le reporter eut tout de suite le pressentiment que sous le drame de Lavardens, remuait un autre drame formidable, dont le premier pouvait bien être la clef.

Voyons-le donc agir pas à pas depuis qu’il a été si étrangement chassé des routes de la Camargue par l’apparition fantomatique d’Olajaï. Il rentre à Lavardens. Ce n’est point à la minute précise de son arrivée que se fait la découverte du drame, mais, comme il le dit dans son carnet, quelques instants plus tard.

Jean l’attendait sur le perron du Viei Castou Nou (le vieux château neuf), comme on disait dans le pays pour désigner la vaste demeure de style provençal que les Lavardens s’étaient construite au commencement du siècle précédent sur la route d’Arles, au nord de la Camargue, dans une contrée