Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/21

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— Oh ! gémit Jean, j’étouffe !…

Et, se retournant, il fit quelques pas menaçants vers la maison d’Hubert, mais Rouletabille l’arrêta… Il lui montra Tavan qui, d’un œil sournois, observait à quelques pas de là tout ce qui se passait :

— Je t’en supplie, contiens-toi !…

— Cet Hubert ! grinça Jean, frémissant, je le tuerai !…

Rouletabille haussa les épaules et, d’un signe, appela Alari près de lui. Il n’eut qu’à lui montrer la porte pour que le vieux domestique comprît.

— Je puis affirmer à monsieur qu’hier soir encore elle était fermée à clef et que les verrous en étaient poussés… Et ça n’est pas la rouille qui leur manque !… On ne les a pas tirés depuis des années… c’est bien simple… depuis la mort du père de M. Hubert…

— Et la clef de cette porte, où était-elle ?…

— Ah ça, monsieur, je ne sais pas ; il faudrait le demander à monsieur ou à mademoiselle…

— C’est bien, Alari… Tu vas rentrer au château et je te connais assez pour être sûr que tu ne diras pas un mot de tout ceci !…

— Certes ! monsieur… mais c’est lou père Tavan !…

— Lou père Tavan… J’en fais mon affaire.

Il poussa le vieil Alari dans le parc et y passa lui-même suivi de Jean… De ce côté, il trouva la clef sur la serrure… Il constatait en même temps qu’il avait fallu se livrer à de gros efforts pour faire jouer les verrous… Jean, anéanti par cette idée qu’Odette était venue la nuit précédente, de son plein gré, chez Hubert, le regardait faire, d’un air stupide, hébété…

Soudain des cris sinistres retentirent parmi lesquels on reconnaissait la voix d’Alari.

Rouletabille et Jean se précipitèrent en tournant le coin d’une épaisse futaie, découvrirent tout un groupe autour d’Alari que l’on apercevait à genoux. Ces gens qui apportaient leurs fournitures quotidiennes au Viei Castou Nou, faisaient entendre des lamentations, des « Boun Dieu ! » et des « péchère » qui annonçaient un gros malheur.

De fait, les jeunes gens, ayant écarté cette petite troupe affolée, se trouvèrent devant un cadavre à la figure couverte de sang. Jean poussa un grand cri :

M. de Lavardens assassiné !

Alari pleurait. Le père Tavan, qui était accouru, lui aussi, déclarait que « le pôvre » était déjà froid !…

Rouletabille l’écarta en défendant de toucher au corps. Lui seul en avait le droit. Il constatait rapidement une horrible blessure à la tempe qui semblait avoir été faite avec un instrument tranchant. En même temps,