Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/30

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M. de Lavardens était si loin de s’attendre à une pareille proposition qu’il ne sut d’abord que répondre. Il se prit à rire en parlant du jeune âge d’Odette (elle venait d’avoir quatorze ans).

— Oh ! fit l’autre, vous me diriez de l’attendre dix ans que je l’attendrais dix ans et même davantage. Le tout est que je sache qu’elle est à moi !

— Voilà qui est brutal, mon garçon ! Mais je serai aussi brutal que toi… Je ne pense pas que tu conviennes à Odette et je ne crois pas qu’Odette pense jamais à toi !

— Consultez-la ! répliqua Hubert.

M. de Lavardens le quitta en haussant les épaules et en grommelant :

— Il serait tout au plus bon pour être son domestique !

Mais il déchanta quand il eut parlé de cette étrange histoire à Odette. Celle-ci lui répondit sans s’émouvoir :

— Il faut bien se marier un jour, et Hubert est le plus brave de la Camargue ; il n’y a pas un guardian pour lui tenir tête dans les ferrades ni un taureau pour lui résister.

Quand il revit Hubert, M. de Lavardens lui dit :

— Tu n’as rien fait pour mériter Odette… et tu es pauvre !…

— Faut-il devenir riche ? répliqua Hubert.

— Tu ne feras point fortune en Camargue, dit M. de Lavardens… Après ce qui vient d’être dit entre nous, il vaudrait mieux que tu ailles la tenter ailleurs !…

— Et si je reviens riche, vous me donnerez Odette ?

— Si tu reviens riche et qu’Odette y consente, tu seras le mari d’Odette…

— C’est bon !… je n’en demande pas da-