Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/75

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À ces derniers mots, Callista avait montré une émotion telle qu’il ne fallut rien de moins qu’une nouvelle intervention d’Andréa pour l’apaiser. Alors, pendant que Rouletabille, qui ne perdait rien de ce qui se passait entre les deux bohémiens, continuait son récit, la jeune femme ne cessa de fixer la figure diabolique du cigain.

— Oui, une chose étrange en vérité, narrait le reporter. On pouvait alors considérer Odette comme perdue, lorsqu’un pauvre être, une pauvre vieille chose à laquelle personne jusqu’alors ne prêtait d’attention que pour la repousser du pied ou la rejeter dans l’ombre où, le plus souvent, elle restait tapie, bref la vieille Zina se jeta entre Callista et l’enfant… Andréa venait de réapparaître, tout prêt à seconder sa complice dans son horrible vengeance… Or, ni l’homme ni la femme n’insistèrent devant un geste de Zina et certaines paroles qu’elle prononça tout bas, si bas, si bas, ajouta Rouletabille, qu’il n’y eut pour les entendre que Callista, Andréa… et Rouletabille !

Callista et Andréa étaient maintenant d’une pâleur blafarde.

— Tu mens, fit-elle… Tu étais trop loin pour entendre ces paroles-là… Si tu avais pu les entendre, tu aurais sauvé ton Odette !…

— Zina, qui est une sorcière, lui répliqua le journaliste, vous dira qu’un sorcier peut entendre des choses qui se disent au bout du monde, et même dans l’autre monde !… Je sais si bien ce que la vieille Zina a dit que vous n’avez qu’une peur tous les deux, c’est que je répète ces paroles… car on pourrait croire que c’est vous qui les avez répétées et cela, il n’y a pas un romané sur la terre qui vous le pardonnerait !

» Ah ! vous baissez la tête ! Eh bien ! rassurez-vous, je ne répéterai point ces paroles qui ont été prononcées dans l’antre de la vieille Zina et je comprends combien maintenant votre situation à tous les deux, dans le cas où vous voudriez nous rendre Odette, est difficile… aussi, je vous propose un marché… Donnez-moi une indication utile et je prends tout sur moi, tout le danger pour moi… quant à vous, on saura que vous avez refusé de parler ! même pour sauver votre tête !… seulement j’aurai sauvé Odette et je vous aurai sauvés en même temps, si vous n’êtes pas coupables de l’assassinat de M. de Lavardens !…