Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/78

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Et se tournant du côté d’Hubert :

— L’assassin devait avoir de bonnes raisons pour ne pas laisser le corps de M. de Lavardens dans la propriété de M. Hubert !…

— Non, monsieur le juge, vous n’y êtes pas ! déclara Rouletabille, et je viens vous dire, moi, comment les choses se sont passées…

Rouletabille était tête nue et parlait comme sous le coup d’une inspiration. Cependant sa parole précise, jamais hésitante, ne donnait point la sensation d’un récit improvisé, mais il voyait ce qu’il disait… Tout le drame se déroulait devant lui comme s’il y avait assisté.

— Lorsque l’inculpé, commença-t-il, eut chassé de chez lui M. de Lavardens après la scène brutale qu’il nous a décrite, M. de Lavardens s’en vint heurter la balustrade du perron de M. Hubert… puis il descendit et fit quelques pas…

» Déjà il devait se sentir incommodé, car il s’arrêta, s’appuya au mur avant de pénétrer chez lui par la porte mitoyenne. Enfin, rassemblant son énergie, il continua son chemin vers le Viei Castou Nou. Il ne voulait pas appeler. Sa préoccupation devait être d’éviter tout scandale… Cependant, en traversant son parc il se rappela qu’il avait oublié de refermer derrière lui la porte mitoyenne, sur la serrure de laquelle il avait laissé la clef… Il eut le courage, bien que se sentant défaillant, de revenir sur ses pas (du geste, Rouletabille indiquait le chemin parcouru par M. de Lavardens)… Arrivé près de cet arbre, son cœur eut un arrêt… M. de Lavardens s’écroula… et c’est alors qu’intervint l’assassin !…

» Je vous ai dit, monsieur le juge, que l’assassin était maigre comme un clou !… Le voici ! »

Et Rouletabille, enlevant sa casquette d’un clou planté dans l’arbre et auquel il l’avait suspendue, montrait le coupable !…

— Dans sa chute, la tempe de M. de Lavardens a été brutalement déchirée par ce clou !… Voilà comment a été assassiné M. de Lavardens !…

M. Crousillat et les médecins légistes étaient déjà au pied de l’arbre, examinant « l’arme du crime ». Rouletabille leur montrait en même temps des traces de sang sur le tronc, près du clou :

— Quant au clou, un examen attentif vous montrera de quelle rouille il est revêtu !

On appela le père Tavan qui passait par