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SUR MON CHEMIN

images saintes la lui ont donnée, au pied desquelles il s’est prosterné avec passion, il s’est signé avec force. Sa prière est pleine d’âpreté. Quand il sort des églises, il a la certitude qu’il vient de se raccrocher à cette éternité de bonheur que lui promettent les popes et qui sera son lot divin un jour. C’est ce qui le fait doux et fort, et bon et patient à la sortie des temples. Pour qu’il n’oublie jamais qu’il a tout à attendre d’en haut, s’il souffre en bas, on a encombré le chemin de sa vie d’images, de cierges, de croix et d’autels. Il les rencontre à chaque pas. Sa besogne quotidienne en est sanctifiée. Il interrompt son travail pour se signer. Les bâtiments les plus vulgaires et les halls les plus immenses ont leur chapelle. On prend son ticket de chemin de fer sous le regard bleu de la Vierge. Et ceci tue la mauvaise pensée du labeur trop rude et du kopeck trop rare.

Avant de quitter Moscou, j’ai voulu revoir d’un coup toutes ces maisons de Dieu qu’emplit le peuple ami et allié. Je suis monté à cette tour d’Ivan le Grand qui domine le Kremlin, la ville et la campagne, Et mon regard, passant par-dessus les lourdes murailles de cette forteresse, qui n’est elle-même qu’un assemblage d’églises et de palais, a embrassé cette floraison colossale de bulbes polychromes qui donne à la ville l’aspect des cités de l’Orient. Il y avait là des temples innombrables, et ma vue fut moins réjouie de ce panorama, déjà contemplé, et tant raconté, que